Arnaud Ngatcha, le diplomate d’Anne Hidalgo
C’est sous ce titre qu’est paru dans Le Figaro du 25 mars le portrait de notre DC Arnaud, chargé de l’international et de la francophonie à la maire de Paris.
Un portrait signé par Sophie de Ravinel.
C’est une allée dans les jardins des Champs-Élysées, côté est, au cœur de Paris.
Samedi, la maire socialiste Anne Hidalgo lui donnera le nom du charismatique commandant Ahmad Shah Massoud. Ahmad Massoud, son fils, âgé de 31 ans, sera là. Avec Paris, il veut «honorer ce combattant pour la paix qui lutta pour la liberté de l’Afghanistan et contre l’obscurantisme».
En reportage dans le Panjshir cet été, Bernard-Henri Lévy a rencontré le fils Massoud. C’est là qu’entre eux est née l’idée que Paris honore le commandant parmi tous les défenseurs de la liberté dont les noms sont gravés sur les plaques de la capitale. L’écrivain a appelé Anne Hidalgo. «Elle a immédiatement souscrit», dit-il. «Mais si les choses sont allées aussi vite, de façon aussi efficace, après avoir emprunté la voie de la démocratie locale, c’est grâce à Arnaud Ngatcha». Ce dernier sera au premier rang samedi, «fier de ce signe envoyé au monde». Il est l’un des proches de la maire de
Paris, son adjoint chargé de l’international et de la francophonie. Un homme intuitif et déterminé, à l’histoire sensible et parfois douloureuse, partagée entre le Cameroun et le nord de la France.
Actuellement, l’élu partage sa vie entre l’hôtel de ville et France Télévisions où il dirige les opérations spéciales auprès de la présidente, Delphine Ernotte. Pas de mélange des genres, puisqu’il n’est pas journaliste. Mais certainement une vie nouvelle pour cet homme de médias qui travailla un temps auprès d’Alexandre Bompard à Canal+.
C’est sur le terrain du 9e arrondissement de Paris qu’Arnaud Ngatcha a fait, à 49 ans, ses premières armes en campagne, dans un bastion réputé imprenable et refusé par plusieurs candidats PS pressentis. Une expérience riche pour le prétendant, opposé à la maire soutenue par LREM, Delphine Bürkli. Une étrange situation aussi, puisque tous deux s’étaient fréquentés quelques années plus tôt à la région Île-de-France auprès de Valérie Pécresse, au sein de la commission réunissant des professionnels de l’audiovisuel. Il obtient un bon score au deuxième tour, 39,48%, contre 43,67% pour la sortante.
« Une belle histoire »
Mais Anne Hidalgo le voulait à ses côtés, dans son exécutif. Leurs liens se sont noués à l’été 2017, lors de la préparation de la candidature de Paris aux JO de 2024. Arnaud Ngatcha travaillait alors comme conseiller en communication auprès de la ministre des Sports et ancienne championne d’escrime, Laura Flessel. Il avait aussi participé à la campagne d’Emmanuel Macron, dans un groupe de travail sur la culture et les médias. «J’ai découvert un homme ouvert, chaleureux, impliqué, très professionnel, une belle personne avec une belle histoire comme on les aime, pleine de défis et d’humanité», raconte aujourd’hui la maire de Paris, avouant avoir vite remarqué «sa volonté d’arriver à marquer sa différence, et à montrer sa force.»
Pudique, Arnaud Ngatcha ne s’étend pas sur son passé, sur son père, Bienvenu Ngatcha, «qui a grandi, pieds nus, dans un village du Cameroun» avant d’être repéré par les Jésuites, puis envoyé en France pour faire ses études, dans le Nord où il rencontre sa future épouse, institutrice. «Leur mariage, dans les années 1960 ne sera pas simple», accepte-t-il de confier, évoquant «des dessins racistes» envoyés à son père, alors directeur d’hôpital, ou «des mots violents» inscrits sur les murs de leur maison. Son documentaire, réalisé en 2006 avec Jérôme Sesquin, Noirs, l’identité au cœur de la question noire, jouera un grand rôle dans la construction de son identité.
«Il m’a réconcilié avec moi-même et avec une partie de mon histoire.» «Que personne ne vienne me donner de leçons», lance-t-il aujourd’hui, à l’heure de sourdes ou criantes polémiques sur les questions raciales. «Si tu t’enfermes dans ta race, dans ton histoire, tu ne peux pas faire œuvre commune», s’agace-t-il. «La société française s’américanise, mais nos valeurs républicaines ne peuvent pas être piétinées par des valeurs issues d’une société radicalement différente de la nôtre dans son histoire.»
Ces convictions ont séduit Anne Hidalgo. Des convictions partagées avec l’écrivaine Rachel Khan, elle aussi métis, au cœur d’une polémique sur son livre Racée (L’Observatoire) et à la tête d’un institut culturel de Paris dédié au hip-hop. L’un comme l’autre incarnent, aux yeux de la maire de Paris, «à partir de leur histoire, de leur parcours, une volonté farouche d’exister, de lutter contre les discriminations, pour obtenir l’égalité. Leur quête, c’est l’égalité entre tous les enfants de la République, pas la différence…»
Auprès de la maire, Arnaud Ngatcha pouvait vouloir briguer la culture, mais il a hérité d’un autre portefeuille, celui de la diplomatie, aussi visé par l’ex-directrice d’Amnesty France et conseillère de Paris, Geneviève Garrigos. Car c’est un poste passionnant.
Un poste clef aussi auprès d’Anne Hidalgo, qui vient de lancer sa précampagne présidentielle. Jacques Chirac avant elle, trois fois candidat à la présidentielle depuis Paris, avait su s’emparer de ce dossier pour construire sa stature internationale et un solide réseau. C’est lui qui avait fondé l’Association internationale des maires francophones, aujourd’hui présidée par Anne Hidalgo. La maire peut vous parler des heures de la «diplomatie des villes», de son maître à penser en la matière, l’Américain Benjamin Barber, à propos duquel BHL aussi ne tarit pas d’éloges.
Sur les murs du bureau d’Arnaud Ngatcha, au dernier étage de l’hôtel de ville, avec vue saisissante sur la Seine, fleurissent les photos de sa nouvelle vie. «Il n’est pas dans une approche de lutte, de revendications, mais dans la subtilité, dans les réseaux d’influence, en coulisse. Pour cette raison, son mandat lui va comme un gant», confie sa très grande amie Elizabeth Tchoungui, directrice exécutive chez Orange. Une des rares femmes d’origine africaine membre du comex d’une entreprise du CAC 40.