Si l’on dresse un état des lieux des médias aujourd’hui et qu’on cherche un qualificatif global quoique peu précis, il n’est pas excessif de parler de crise.
La santé financière peu reluisante de la presse en général et de la presse papier particulièrement, le déclin du modèle publicitaire pour financer les médias, la difficulté à diversifier les sources de revenus, autant d’éléments qui témoignent d’une crise économique du secteur médiatique.
Cette situation s’est intensifiée avec la pandémie de la Covid 19 : la chute des ventes de la presse papier au numéro, la réduction du nombre de kiosques, l’attrition des abonnés… Ce qui a conduit certains médias à des plans de licenciement, à des restructurations et même à la faillite.
Une crise économique assortie d’un retard numérique
Pour certains médias ces difficultés économiques ont été amorcées avec l’avènement du numérique dans la fin des années 90 et début des années 2000. Le virage du digital n’a pas été pris à temps et les transformations qu’il impliquait n’ont pas été anticipées : transformation des usages, facilité technique de production des contenus pour toute personne étant ou pas journaliste, apparition de nouveaux médiateurs et changement des réseaux de distribution, évolution des attentes du public … Et force est de constater que cette crise est double, ce n’est pas uniquement une crise économique, c’est aussi une crise de confiance qui interroge le rôle des médias.
Corrélation entre crise économique et crise de confiance
S’il est hasardeux de situer sur une frise chronologique le moment à partir duquel nous pouvons parler de défiance à l’égard des médias (les indices de confiance ou de défiance étant difficilement quantifiables), il est indéniable que le mouvement des « gilet jaunes » à partir de novembre 2018 en est l’exacerbation. Et la cacophonie que nous vivons autour de la pandémie, favorisée par la prolifération des « fake news » ne va pas dans le sens d’un rétablissement du lien de confiance entre citoyens et médias.
Considérant les médias comme par définition un quatrième pouvoir, et que la méfiance vis-à-vis du « pouvoir » est un pilier démocratique rendu possible et assuré grâce au principe de séparation entre les trois pouvoirs (exécutif, législatif et juridique), on pourrait affirmer qu’une méfiance peut se transformer en défiance à partir du moment où l’on peut douter de cette séparation. Si on se base sur ce postulat, la porosité des frontières entre les médias (comme quatrième pouvoir) et le pouvoir politique (résumant ainsi les deux sphères : exécutive et législative) peut expliquer cette crise de confiance et même la situer antérieurement à la crise économique.
Mais étant donné que l’essence même de la presse, et des médias par extension, est l’adresse à un public et à une audience, et que de fait le rapport entre un média et un citoyen est un rapport marchand entre fournisseur de service et consommateur (ce rapport reste valable aussi pour les médias publics à travers la redevance audiovisuelle et les médias privés gratuits à travers la publicité), la corrélation entre crise économique et crise de confiance devient évidente.
Et il serait donc erroné d’envisager des solutions en silo, économiques d’une part, éditoriales d’une autre, pour sortir de cette crise. La recherche de solutions innovantes passe obligatoirement par la prise en considération du problème dans sa globalité et donc dans sa complexité.
Explorer le champ de l’innovation éditoriale
Dans quelle mesure le concept de l’innovation éditoriale qui a émergé ces dernières années peut représenter une solution de sortie de crise aux médias aujourd’hui ? Comment faire de la crise un moteur de changement ?
Data journalisme, journalisme de solution, plateformisation, hyperpersonnalisation, format court, podcast, réalité virtuelle et/ ou augmentée, newsletter… Autant de formes et d’idées nouvelles ou anciennes remises au gout du jour pour réinventer les médias.
Pour élaborer une ébauche de réponse à ces questions, il est d’abord nécessaire de définir l’innovation éditoriale et ses champs d’action. Vise-t-elle l’innovation du contenu ou du format ou des deux en même temps ? Implique-t-elle une organisation différente de l’entreprise, de nouvelles activités et donc un nouveau rôle des médias ?